jeudi 19 septembre 2013

D'essence #4 - Boutons

Ce sont des détonateurs
Là,
Sur la peau. 

Ce sont des gâchettes
Si courtes
Dans la détente

Et quand ils bourgeonnent
Les boutons
Rouges 
Au bord de la guerre
Et que la main tremble d'y appuyer
Je sais que j'ai quinze fois
De quoi me faire bondir
Et de quoi imploser

Il suffit de les effleurer, tu sais,
Pour se faire peur
Et d'appuyer à peine
Sur les coutures
Là où ça peut souffrir

Et d'appuyer à peine 
Sur les censures
Là où ça peut s'ouvrir

Tout le printemps
A même la peau
Qui menace d'exploser
De fleurir en rosaces
Qui sait, de nous tuer... 

Tout le printemps
Les haillons de l'hiver
Le supporteront-ils ? 
Alors qu'on y accroche sans cesse
Des fils bleus
Comme dans les doigts blessés
Une nuit de faïence

Il suffit de les écorcher, tu sais,
Avec l'ongle
Et de couper les fils bleus et rouges
Ou de les mélanger.

Quinze fois de quoi s'imploser. 

Mais j'entends Baal,
Qui prend ma gorge, sans consentement,
Répète
"J'aimerais entendre l'explosion" 

Se moquer des boutons et des grillages
Faire des révolutions
Sans même se retourner
Toupir sur les parquets
Dormir sous les pavés

Quinze fois de quoi imploser








mardi 25 juin 2013

D'essence #3 - Dorsales

Quand les plaques
s'entrechoquent
au sous-sol

Quand les continents de la chair
dérivent
se fracassent

Et que tout est pressé

De la langue
aux nageoires

et que naissent les crêtes
sous la pulpe des doigts

Il faut bien des vertèbres
pour tenir
dressés

Dans l'instant qui surgit
Vertical et sincère



jeudi 20 juin 2013

D'essence #2 - La piôse

Il y a des nuages si bas
Qu'ils font comme un mobile
Accroché à un fil
Pour arriver plus tard.

L'odeur du lit
De fin d'après-midi
Froissé de la sieste

Le calme
Des tissus doux
Et vaporeux

Collés contre l'empreinte
Qui invite au silence
Intimé par l'ange ;
Mettre le secret
A l'index


Tout tourne au dessus
Des enfants de berceau
Et tout concorde

Les nuages sont si bas
Que je pourrais monter
Contre une échelle de bois

Mettre des pinces à linge

Laisser sécher au soleil
La pluie qui refuge
Dans les tissus

Mais il y aurait le risque
De les voir se flétrir
Accrochés par la peau du cou
De les voir lutter
Contre le vent allié

Et fondre
Triste
Sans s'être penché
Pour le baiser.

lundi 17 juin 2013

D'essence #1 - Miel

Du miel dans le cou
du citron dans le goût
de vouloir
se déboutonner

Y poser
une lèvre ouverte

A cicatriser





dimanche 16 juin 2013

Sur la voie du bleu #2 - L'escrime

Il ne peut pas n'y avoir aucun rapport entre l'attente de la nuit pour que le poème vienne enfin, et le bleu qui repose contre la lumière, en face, dans la rue sans un bruit. N'y avoir aucun rapport entre cette couleur qui entoure le dehors et ce qui se dévoile, dans la fatigue du dedans. 
Ce soir, la bataille avec les mots à plume d'épée, à la pointe des lèvres, pour dire l'ineffable. L'interdit qui sourit dans mes poumons, sous les ronces. Me liras-tu, me lira-t-on ? 
Et ce coeur qui palpite sous les textes nouveaux comme sous les textos ? N'est-ce qu'un forfait de petit contrebandier ? 

mardi 11 juin 2013

Peau neuve

Si la peau est rappée
Comme après une chute
Des routes sans petites roues
Pour se tenir debout

Et si tout est à nu
Sanglant et sanglotant
Heurté par le jour
Qui brûle les yeux clairs
D'avoir plu au printemps

Si la chair est ouverte
Au regard des passants
Même celle des lèvres
Et des genoux gisants

Si je veux promener
Les villes en robe de nuit
Déchirée de reflets
Cousue de lampadaires
Et trainer sur les ponts
Juste au bord du vertige

Si je veux embrasser
De toute la sève glissant
Au long de ce triangle
Qui se bat dans mon cou
Comme il y a des lustres
Que je n'ai pas voulu

Est-ce l'adolescence 
Qui jouera les phoenix
Ou bien le chant des signes
Qui, gravé sous mes cuirs
Se découpa enfin
Pour laisser le champ nu
A ce qui pousse,
Peau neuve ? 

lundi 13 mai 2013

Sur la voie du bleu #1 Magrittard

Je ne sais pas comment je me débrouille, à voler du temps pour l'écriture, c'est difficile, il faut l'arracher à petits bouts de dents, quand la fatigue met à nu, qu'il n'y plus que cette envie d'écrire et de danser, quand le noir de la nuit me protège des questions, m'évite de trébucher sur tous les cailloux d'interrogations qui trainent et sur tous les poings d'exclamation qui me déforment les figures. En fait, c'est moins souvent le temps qui manque que le courage et que l'espace de corps disponible. 
Mais peu à pas, cela avance, à travers moi. Il y a les fils et les squelettes qui s'accrochent et qui croissent, sur mes cils fatigués. Des fils et des squelettes qui grandissent côte à côte et me laissent les doigts pleins de poussière et de toile. Je m'en frotte les yeux, même si ça pique pas mal, parce que ça lave les volcans. 

Il y a quelques temps, je suis partie, dans le temps et dans l'espace, faire un voyage vers A. et puis vers de l'inconnu aussi. Sans attente, sans images préconçues, sans langue pour communiquer avec les gens dans les villes que je ne connais pas. Ni les gens ni les villes, je veux dire. Je me suis sentie vacantes, un peu perdue, sans savoir où donner de la tête et des mains. J'ai beaucoup parlé avec A. et puis après, avec C. qui nous a rejoint. Peut-être pour retrouver une langue commune à d'autres. Et pour se rassurer. Et pourtant, à l'intérieur, je me suis sentie souvent silencieuse. Loin, loin au delà des mots. Au delà des mots en écoutant ceux de A. qui se sont alignés sur le papier jusqu'à faire des colliers si poignants. Au delà des mots devant les medersas qui s'érigent dans le regard. 

J'ai compris devant les céramiques et les arabesques dont je ne me lassais pas, qu'A. avait raison un an plus tôt. C'est la voie du bleu qui me prend par le bras, sur laquelle je marche depuis longtemps. Il faut que j'aille sur cette voie du bleu, et ce n'est pas grave. Pas grave d'abandonner pour un temps la voie du rouge qui m'appelle pourtant depuis longtemps. Cela viendra en son moment. Petite au milieu de Chah-I-Zinda, je ne pouvais plus fuir. Plus tout à fait. Et j'ai compris aussi qu'il fallait, le long du bleu, emprunter le chemin de l'orange. Que je ne pouvais pas les séparer. Que c'était là depuis loin et que ça non plus je ne le savais pas. 

Tout ça pour dire : c'était ahurissant ce soir d'être dans un tableau de Magritte, au milieu de septembre, la lune en croissant entre les arbres et le bleu du ciel défiant les profondeurs. 

mercredi 20 février 2013

Logo-rallye musical #2 - D'autres langues, d'autres yeux

"Che traditore, che traditore..." 
Il avance son regard aux sourcils édentés, qui danse, qui danse sans s'arrêter. Il fredonne du regard "I've found a new baby", et je vois le rythme s'accélérer. Il insiste tant et temps que me voici moi aussi en train de danser, comme une année folle, de tous mes yeux. Mais, un peu vexée de m'être laissée entraîner, j'infléchis à mon tour la danse. J'appuie sur mes pupilles, sur les siennes, pour que le corps change et glisse vers un tango flamenco. "A gente que van detrás"... De ces regards incompréhensibles, je ris de penser que nos cils sont aussi longs, aussi noirs, et que le swing, le flamenco, le baroque siéent à ces cils là. Et dans cet éclat de rire rétinien, je manque de tomber. "Ohime ch'io cado". Tomber, se reprendre. Toujours ces histoires de fils à tisser, à accrocher. Pas de cordes au cou, non, pas de lassos ni d'a-coups. Les araignées n'ont pas de corde. Je cherche soudain à sentir où s'accrochent ces fils entre nous. "It means the season changes". Je m'écarte un peu et instantanément je sens, les morceaux de peaux qui picotent. « Akende se boye o » je me souviens. L'autre est parti, oui, il y a longtemps, et à l'endroit de ses fils, des noeuds pour recoudre qui ne vont plus vers personne. rien ne repousse sur les cicatrices. Mais à côté, oui, ailleurs, pas loin, oui, les fils font des rejets, comme les plantes. Est-ce que lui sent les fils qui poussent ? Et où ils s'accrochent les siens de fils? A des boucles glissantes, à des morceaux de chaire ? Est-ce qu'il sont attachés ou à peine enroulés ? Je cherche des yeux mais c'est vain. Et on pense, lui comme moi, "I'm the rain, truth is I'm ruthless, I can't be contained". alors on continue de danser, jusqu'à ce que port s'ensuive, jusqu'à s'attacher encore un peu et se déborder en même temps, "feels like I'm staring at the sun". Quand on a le souffle coupé d'avoir tant dansé, aucun de nous n'a encore bougé. Mais les yeux clignotent, comme si chacun venait de se réveiller, comme si on venait de regarder droit dans les yeux le soleil de midi. Et tout grésille, sur la rétine, sur les oreilles. "Chant de merle, tu me tues". Les fines rayures qui divisent ses sourcils semblent rire ou chanter selon les lumières du tunnel. Le ventre qui fait des sursauts à ne plus savoir si je décolle ou si je tombe. "All I can think of is Alice". Car sur ses yeux, bien sur, cela va de soi, il y a un chapeau. Je ne l'avais pas vu, tant j'étais occupée à virevolter. Maintenant, je peux regarder son visage, mais le souffle pris ne m'est jamais rendu. il y a des gens autour, bruyants ou silencieux. Ils nous voient à peine. Moi qui tomvole, lui qui s'envombe. Leur tunnel pourtant n'est pas le notre. "That makes perfect nonsens for me". Nous avons arrêté de danser, mais les yeux ne peuvent pas se laisser, pas tout de suite. On se parlote, on se regarde sans se voir, on se tient. Soudain, "on appelle mon nom, mais non, je reste jouer dehors", jusqu'au bout du fil, de la ligne où nous mordons tous les deux comme des poissons idiots. Au terminus quelqu'un nous bouscule, le fil lâche. Le petit fil de soie cassé, dans le métro pourtant presque désert. il faut se ressaisir, se replier, s'enrouler. S'en aller. "Y'en a-til, y'en a-t-il un pour me dire qui je suis venue rejoindre ?"










(Avec les versions de : Monteverdi, Vian, Mariposa Negra, Monteverdi bis, Cocoon, Lokua Kenza, Peter Doherty, Simple Kid, -M-, Tom Waits, Doherty bis, et deux Bertrand Belin pour la fin)

La route des sables

Et certaines fois je tourne
Sur la route des sables

Le matin, emmêlée dans ses fils
Tire ses traits contre mes cils

Les jours de gris illuminés
Nettoient mes yeux fatigués

En fin d'après-midi, horizontal
Le soleil cherche un regard frontal -
Les arbres nombreux, rapprochés
A le cacher, le dévoiler
Comme un stroboscope de jour
Sur mon oeil gauche

J'y tourne, souvent
Comme sur moi-même
J'y fais voler mon ventre
Comme petite fille une robe

Sur la route des sables
Tout est mouvant
Comme les dunes.